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Destinées

Notes

Frédéric O. Sillig



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Ma passion pour la régate en dériveur me mène en Finlande pour disputer un championnat d'Europe avec la mission d'essayer de représenter dignement les couleurs qui ornent la reliure de mon passeport. Ce qui fut fait.
Les contacts tissés dans les clubs indigènes, intercalés par nombre de libations caractérisées ici par l'extrême brutalité de certains breuvages, m'ont pratiquement obligé à me représenter quelques mois plus tard, tous frais payés je crois, dans ces froides contrées pour quelques jours d'autres joutes anémo-aquatiques. Imprudence ! Imprudence de le dire à mon patron. Un patron, autrefois collaborateur direct du grand architecte Auguste Perret. Imprudence de lui révéler ma destination et le but de mon voyage ! 
Me voici arrivé à l'aéroport d'Helsinki. En cette fin d'après-midi, ma préoccupation est de trouver une chambre d'hôtel pour passer la première nuit avant de trouver un hébergement plus proche de mes futures activités. Je m'attends à un repas minimaliste et solitaire et à une courte soirée précédant une nuit de sommeil réparatrice avant l'aventure... Mais l'aventure commence maintenant, immédiatement. Sous la forme d'une demoiselle d'un certain âge, chignon gris et imperméable fatigué, qui me happe dès la sortie de la douane en me priant, dans un français parfait, et avec infinie courtoisie de la suivre, puisqu'elle est chargée de me conduire vers l'hébergement qui m'est dévolu. Vous avez dit bizarre ? En effet, c'est bizarre ! Je ne suis pas une célébrité. Je ne suis pas un diplomate. Alors ? Nous sommes à quelques encablures de Leningrad et encore à l'époque du marteau et de la faucille. Mais de manière idiotement solliptique, je me rassure en me disant que les agents du KGB ont un accent ! Sur ma demande cette «gentille» personne me déclare que c'est le club de yachting qui l'envoie et qui m'a réservé une résidence pour l'entier de mon séjour. Je trouve curieux qu'elle ne donne aucun nom dans son explication, ni celui du club ni celui d'un de ces dirigeants. Je me vois déjà dans les sous-sols de la Loubianka. Et c'est trop tard pour faire machine arrière, je suis dans sa voiture... la voiture du service peut être ? Mais ce n'est pas une Tatra. Au moins ça ! Durant le trajet, elle me pose une foule de questions sur mes activités de régatier, mais j'arrive à immédiatement discerner qu'elle n'y connaît strictement rien et qu'elle n'appartient pas à ce milieu. Ce qu'elle me confirme d'ailleurs dès qu'elle s'aperçoit de ma méfiance. Intelligente, elle m'affirme que ce n'est que sa connaissance du français qui l'a placée en charge de cette mission. J'ai de plus en plus de doute sur la régularité de la démarche. Tout en essayant d'éviter de paniquer, je lui pose des questions de plus en plus précises qu'elle arrive à esquiver tant bien que mal pour se rabattre finalement sur l'occurrence d'une surprise qui me serait faite par ... Quelqu'un qui me veut du bien, par exemple ?...
Mon anxiété remonte encore d'un cran, mais il semble que nous arrivons à destination. Une maison qui se présente comme une maison familiale. Pour moi, futur architecte, la partie visible, la façade, contemporaine, d'un graphisme remarquable, d'un dessin parfait, fait presque figure de chef d'œuvre. Point positif, ce n'est pas l'ambassade soviétique. Sûr et certain ! Une lampe s'allume sur le perron, lorsque nous débarquons de voiture et au loin, la porte s'ouvre sur un couple âgé, qui nous fait des signes amicaux avec semble-t-il de grands sourires. Mon anxiété se transforme en perplexité. La part de paranoïa qui colonise un rameau de mes circonvolutions est très déçue. C'est alors que ma voiturière se présente sous son vrai jour, soit une amie commune de mon patron et de notre actuel amphitryon. Elle me déclare alors que nous allons dîner et dormir ici ce soir et qu'après mes régates, tout est organisé pour que je travaille durant quelques mois avec ce monsieur qui s'avance vers moi les bras ouverts en signe de bienvenue. Interloqué, mais sans être intimidé, je donne le change en me présentant à cet inconnu... il faut le dire, de manière un peu emphatique. Pas lui :

   —  Alvar Aalto !
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rquad.jpg   FOS © 26 août 2007

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