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Le soupirail

Notes

Frédéric O. Sillig



La valeur attend le nombre des années.

En perspective, un réveillon de la St-Sylvestre dans une cave à jazz. Un « bœuf » promis comme mémorable avec force grillades et libations d'aloi discutable mais jubilatoire à coup sûr... En début de soirée, je place mon matériel en dépôt dans un recoin de ce lieu profond, le temps d'une visite à quelques relations demeurant en quasi proximité.
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Déjà les préparatifs de l'agape sont en plein mouvement. Le podium est dressé, le piano accordé, les sièges et tables déployés, les boissons réparties, les victuailles dépaquetées. Une fourmillère. Je remarque un barbecue installé juste au dessous du soupirail, seul exutoire libérateur, lors de pauses musicales, de la généreuse tabagie qui contribue d'ordinaire au pittoresque de l'endroit. Je suppose bien que ce dispositif n'est entreposé ici que provisoirement en vue d'un usage ultérieur, à l'extérieur du bâtiment, au vu du danger évident que représentent, ici, les émanations dues à la combustion. Bien qu'encore très jeune, je dispose déjà d'une certaine expérience de ce qui peut habiter ou ne pas habiter un cerveau humain. Alors, le doute m'envahit au sujet de l'aphorisme qui précède. J'en fais timidement fais la remarque

   — Arrête de nous enmerder avec tes théories ! dit Laurent.
   — C'est typique, ce genre de remarques de timoré ! dit Claude.
   — On verra bien en cours de soirée ! dit Michel.

*****


De retour au club, mes visites terminées, je pénètre dans le local qui sert d'antichambre à la salle, une sorte de sas dans lequel se trouve un bar rudimentaire. Les gens que j'y croise sont livides, dépourvus de toute la jovialité coutumière à l'endroit et de surcroît à un réveillon de nouvel an. La porte s'ouvre sur la cave. L'habituelle fumée de tabac – époque non-encore aseptisée – semble être remplacée par celle du charbon de bois. Sur le podium, un quintette se produit. Le medium swing est mollasson. En contre-bas le public avare d'exubérance ne manifeste que très peu d'enthousiasme. J'ai du mal à distinguer le mur opposé. Celui que perce le soupirail qui est maintenant hermétiquement occulté par un volet acoustique. Pour que le son ne passe pas. Le dioxyde de carbone non plus. Le monoxyde de carbone encore moins. Des saucisses rôtissent sur le gril…
Je me précipite pour ouvrir.

*****


Cette nuit là, aux urgences, il y eut quatorze personnes en examen ambulatoire, dont trois placées jusqu'au matin en oxygénothérapie au masque à haute concentration.

*****


Laurent est devenu médecin.
Claude est devenu biologiste.
Michel est devenu professeur titulaire d'une chaire de chimie et cofondateur, puis président d'une association mondiale d'hygiène industrielle, l'IOHA01. Il est aussi lauréat du « Yant Award » décerné par l'American Indusrtial Hygiene Association, il enseigne dans diverses facultés (Sorbonne, IUT-Saint Denis, CNAM Angers, ATC Paris) et siège dans diverses communautés de travail internationales (INRS, INERIS, ANSES, CIST, IOHA, SCOEL).
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rquad.jpg   FOS © 10 octobre 2012

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[01]  International Occupational Hygiene Association.  [ retour ]

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